Le Premier ministre, Monsieur Manuel Valls, ne devrait pas parler dans la précipitation : il confond deux verbes simples, « excuser » et « expliquer ». C’est en tout cas ce que laissent penser ses mots, répétés la semaine dernière au Sénat et dans les médias : « J’en ai assez de ceux qui cherchent en permanence des excuses ou des explications culturelles ou sociologiques à ce qui s’est passé [i.e. les attentats du 13 novembre] »
Si chercher à expliquer tel ou tel phénomène permet généralement de le comprendre, le processus d’explication ne présage en rien de ce qui relève d’un autre enjeu : juger, et donc condamner ou excuser. Surtout, la recherche d’explications est indispensable à l’action, qu’elle soit politique, économique ou encore militaire. Et nous ne saurions croire que le premier ministre et son gouvernement engagent l’action de la République française, en cette période extrêmement grave, sous le coup des seules émotions.
Qu’aurait-on pensé si Manuel Valls avait dit : « J’en ai assez de ceux qui cherchent en permanence des explications géologiques aux tremblements de terre » ou encore « j’en ai assez de ceux qui cherchent en permanence des explications médicales au cancer » ?
Mais aujourd’hui, c’est à nouveau la sociologie qui est attaquée, comme le sont de plus en plus souvent les sciences humaines et sociales, qui ont pourtant fait et font aussi la renommée intellectuelle de notre pays.
Frédéric Lebaron est président de l’Association française de sociologie (AFS) ;
Fanny Jedlicki et Laurent Willemez sont co-présidents de L’Association des sociologues enseignant-e-s du supérieur (ASES).
A la suite des attentats de novembre, le premier ministre avait fortement critiqué les sociologues qui évoquaient les déterminismes sociaux du terrorisme. Pour le premier ministre, expliquer est synonyme de justifier. Les sociologues sont donc “accusés” de chercher des excuses aux auteurs d’attentat. C’est méconnaître profondément la sociologie que de tenir de tels propos. la sociologie et les sociologues ne cautionnent, ni ne dénoncent rien, ils tentent d’expliquer les causes et les conséquences des actions interactions de hommes.
La sociologie peut être définie comme la branche des sciences humaines qui cherche à comprendre et à expliquer l’impact de la dimension sociale sur les représentations (façons de penser) et les comportements (façons d’agir) humains.
Le pauvre Durkheim qui a développé la sociologie en France doit se retourner dans sa tombe en entendant de tels propos.
Si l’explication vaut caution, alors on ne pourra plus rien expliquer et surtout plus rien comprendre.
Nous vivons dans une société et sommes soumis à des échanges, des interactions avec les autres; il est donc logique que ce qui se passe autour de nous est une incidence sur nos comportements.
Il faut défendre la sociologie et poursuivre l’analyse de nos comportements pour mieux les comprendre et agir.
Shukuru