La première banque allemande et une des plus importante banque du monde est en difficulté aujourd’hui.
Le département de la justice des Etats Unis a condamné la banque à payer une amende de plus de 14 milliards de dollars pour son implication dans la crise des subprimes de 2008.
Suite à cette annonce, comme la banque est déjà fragilisée, le cours des actions a chuté et la banque se trouve en grande difficulté.
Outre les pratiques douteuses de la banque achat et vente afin de réaliser des profits sans prévenir les clients des risques qu’ils encourraient, on ne peut que constater l’ineptie d’un tel système.
La Deutsche Bank va être condamnée à payer une forte amende pour avoir triché, et cette amende risque de provoquer sa faillite alors que ses pratiques financières avant 2008 ont participé à la crise des surprimes et à la faillite de certaines entreprises dont Lehman Brother. Le système se fragilise lui même.
Non seulement le serpent se mort la queue, mais encore la vertu de ce système capitaliste dans lequel les entreprises et particulièrement les banques cherchent les profits à tout prix reste à démontrer.
Le plus choquant dans cette histoire, ce sont d’une part les contribuables qui vont probablement être mis à contribution (too big too fail) pour sauver la banque et d’autres part que l’expérience ne sert à rien : les banques vont continuer leurs pratiques déstabilisatrives parce que ce sont les plus rentables.
Les gouvernements ne veulent pas prendre leur responsabilité (ou ils ne peuvent plus le faire) et imposer aux banques et établissements financiers des pratiques spéculatives limitées (par exemples en séparant les activités de dépôts des activités de spéculation et en les laissant faire faillite si elles ont “trop” spéculé.
Certes, les solutions ne sont pas aussi simples à mettre en oeuvre, mais à force de ne rien faire, de laisser les lobbys de la finance et des grandes entreprises imposer leurs visions de la liberté d’entreprendre, ce sont les consommateurs, les contribuables qui deviennent les victimes. On pourrait ajouter les rémunérations stratosphériques des dirigeants de ces banques totalement injustifiées et jamais remises en cause
Shukuru
LIBERATION 30 septembre 2016 par Vittorio De Filippis Extraits
Subprimes et spéculation
Impossible de comprendre le pourquoi du comment d’une telle dégringolade sans remonter le temps. Nous sommes en 2003, en 2004, ou encore en 2005 : la crise financière des subprimes couve. Mais elle n’est pas encore manifeste. La DB, comme la plupart des grandes banques, se porte à merveille. Sur le podium mondial des grands établissements financiers, elle fait comme tous les autres : de la spéculation tous azimuts. Fièrement implantée aux Etats-Unis, elle accorde donc, elle aussi, des crédits subprimes. «Mais surtout, elle achète des titres financiers représentatifs de ces fameux crédits subprimes à ceux qui les fabriquent, explique François Morin, professeur d’économie à l’université de Toulouse. Et elle les revend aussitôt à des investisseurs qui espèrent en tirer un rendement.» Mais voilà, la DB a triché. C’est du moins l’accusation que portent à son endroit les autorités financières américaines. Elles lui reprochent d’avoir dissimulé que ces subprimes étaient tout simplement toxiques.
En clair, la DB connaissait le risque financier de ces crédits accordés à des ménages dont le degré de solvabilité était, en réalité, proche de zéro. Fourguer ces subprimes fut d’autant plus facile qu’ils étaient marqués du «sceau» des agences de notation avec un triple A… On connaît la suite. Des insolvabilités en cascade des ménages américains, des banques qui font défaut. Avec, en prime, une déflagration financière mondiale dont la plupart des économies développées ne cessent, encore aujourd’hui, de payer les conséquences via des politiques budgétaires «austéritaires»sans précédent. Car, partout, aux Etats-Unis comme en Europe, l’incendie financier n’a pu être éteint que grâce à l’argent public selon la bonne vieille formule de la «socialisation des pertes après une période de privatisation des profits».
A l’époque, tandis que son rival Commerzbank était sauvé par l’Etat allemand, Josef Ackermann, alors patron du directoire de la Deutsche Bank, fanfaronnait dans la presse allemande sur le mode : «J’aurais honte si nous acceptions l’argent public pour faire face à la crise.»
Des liquidités submergées par les crédits
L’argent public ? C’est justement toute la question qui se pose aujourd’hui autour d’un inévitable plan de sauvetage de la DB. Car la situation financière du poids lourd allemand est terrifiante. Quelques chiffres suffisent à illustrer l’inquiétude grandissante des marchés financiers. Comme l’encours de crédit de la DB, par exemple ? A peine plus de 1 600 milliards de dollars (environ 1 420 milliards d’euros). A lui seul, ce chiffre n’a pas grande signification. Mais le bilan de santé de la DB devient un peu plus lisible lorsqu’on évoque son «levier bancaire». Il est de 36 pour la DB. Sous ce vocable d’apparence ésotérique, se cache en fait une banale notion financière. En clair, lorsqu’une banque a un encours de crédit de 100, elle a en moyenne 10 de réserve en capital. Avec 10, elle a levé 100 sur les marchés qu’elle a donc redistribués sous forme de crédits. Pour la Deutsche Bank, ce levier est astronomique… soit 36. Avec le même montant de 10 milliards, la DB distribuerait 360 milliards. Un record dramatique.
«Faut-il rappeler qu’avant la faillite de Lehman Brothers en 2008, le levier de la banque d’investissement était 32 ? On a vu les effets sur le reste du monde», insiste Philippe Béchade, président du think tank les Econoclastes. «Des spéculations infondées», a encore balayé vendredi le patron de la DB, John Cryan dans une lettre aux 100 000 salariés de l’établissement. «Dans une telle situation, les réserves de liquidités sont le plus important. Avec plus de 200 milliards, nous disposons toujours d’un bon amortisseur», a-t-il fait valoir. En vain. Les marchés en sont persuadés : une partie des fonds a déjà servi à provisionner des créances irrécouvrables de la banque, estimées, à elles seules, à plus de 200 milliards d’euros. Pour la Deutsche Bank, ce levier de 36 (ou cette fragilité en fonds propres), est d’autant plus inquiétant qu’il apparaît au moment même où la Fed, la Banque centrale américaine, ne cesse d’expliquer qu’il faudra prochainement revoir à la baisse le fameux ratio du levier des banques, en le faisant passer de 10 en moyenne à 8 environ.«Comme si la Fed se préparait à une prochaine crise, et qu’elle faisait tout pour éviter le pire en tentant de faire baisser dès aujourd’hui ce fameux levier bancaire», s’inquiète un économiste de banque.
«Pas un euro d’argent public»
En attendant, c’est tout le secteur financier qui est suivi à la loupe par les investisseurs. Et des déposants allemands, qui commencent à se demander s’ils ne risquent pas d’y laisser une nouvelle fois des plumes dans un prochain plan de sauvetage. La situation est d’autant plus compliquée que la chancelière allemande ne cesse de le répéter : «Il n’y aura pas un euro d’argent public pour sauver la banque.» Serait ainsi appliqué le fameux bail in (sauvetage par les actionnaires) en lieu et place du bail out (assumé par le contribuable)… Car à partir de 2008, ce sont bien les budgets nationaux, et donc les citoyens, qui ont permis d’éviter la faillite de nombreuses banques dans la zone euro.
Seulement, difficile de croire qu’Angela Merkel parvienne à faire porter aux seuls actionnaires tout le poids financier du sauvetage de la Deutsche Bank. «Il faudrait injecter tout de suite 100 milliards d’euros dans le capital de la banque pour qu’elle puisse faire face à ses créances douteuses qui n’arrêtent pas de remonter à la surface de son bilan», ajoute Philippe Béchade. Ce montant correspond à peu près à celui des premiers plans d’aide à la Grèce, qui ont permis de renflouer les grandes banques européennes, à commencer par les allemandes et les françaises.
Le pire ? Que les banques européennes, de crainte de voir la Deutsche Bank s’effondrer, rechignent à se prêter de l’argent entre elles, comme elles le font quotidiennement sur le marché monétaire. Et là, c’est l’oxygène de la finance, ou plus exactement la liquidité monétaire, qui pourrait manquer. Une défiance qui se traduirait aussitôt par un assèchement supplémentaire du crédit… La suite du scénario catastrophe est simple : moins de crédit, moins de consommation, moins de croissance, moins de raison d’investir. Et donc une crise financière qui, une fois encore, dégénère en crise économique. Opposée à un plan de sauvetage avec de l’argent public, la chancelière allemande prendra-t-elle le risque politique majeur de ne pas voler au secours de la DB ?