La réforme d’APB (admission post bac) est menée au prétexte que l’algorithme ne fonctionnait pas. Au delà du prétexte (comment permettre à 800 000 étudiants de trouver leur voie alors qu’il y a 654 000 places ?), cette réforme permet de réintroduire une sélection dans l’orientation.
« Nous ferons en sorte que l’on arrête, par exemple, de faire croire à tout le monde que l’université est là pour tout le monde, E.MACRON
La nouvelle plateforme parcoursup, ainsi que les prérequis affichés par les universités dessinent les contours d’une sélection des étudiants.
Est ce une bonne chose ?
La sélection est un choix opéré entre des personnes par exemple, afin de déterminer celles qui conviennent le mieux. Dans ce sens, sélectionner peut permettre d’éviter les échecs, les mauvaises orientations … Mais si on évoque la justice sociale (une construction morale et politique qui vise à l’égalité des droits …), on ne peut envisager la sélection comme des barrières qui rendent l’accès d’une partie de la population, impossible à certaines formations. Il est nécessaire de construire des formes d’aide (soutien, remédiation …) pour permettre à chacun d’ouvrir les domaines du possible.
Concrètement, si un bac scientifique permet à son détenteur de réussir dans des études supérieures d’ingénieur, il faut mettre en place, pour ceux qui n’ont pas pu décrocher ce diplôme, les moyens de progresser et d’atteindre ce niveau. On pourrait donc envisager une année de propédeutique (année qui permettrait de se préparer aux études) à l’université pour éviter que le baccalauréat ne soit le critère déterminant de l’orientation.
Le baccalauréat existe sous trois formes différentes : général, technologique et professionnels. Les études (cf. https://www.inegalites.fr/L-inegal-acces-au-bac-des-categories-sociales) montrent que le milieu social est déterminant dans la réussite et dans l’obtention d’un baccalauréat plutôt qu’un autre.
Ainsi, si le fait de posséder tel baccalauréat plutôt que tel autre, permet l’accès un type d’étude donnée, il faut que cet accès ne soit plus socialement déterminé.
Parcoursup et les attendus des universités renforcent donc le déterminisme puisque les inégalités de départ ne sont pas réduites.
Cette réforme va donc accroître les inégalités, puisqu’elle va permettre aux établissements de l’enseignement supérieur de choisir, de trier les étudiants qu’ils veulent accueillir, au motif que seuls ceux sélectionnés pourront réussir.
Que se passera -t-il pour l’ensemble des étudiants ?
Un classement va s’opérer, en fonction du baccalauréat, des compétences des étudiants … Les établissements d’enseignement supérieur, en fonction de leur prestige et de la difficulté de leur cursus, pourront choisir les premiers, les deuxièmes, les troisièmes … les derniers étudiants. Les meilleurs poursuivront les “meilleures” études, les derniers poursuivront les études qu’on leur propose, et comme il n’y a pas suffisamment de places pour tous, certains ne pourront pas étudier.
Cela s’appelle du tri social : le baccalauréat ne permettra plus à chacun de poursuivre des études supérieures.
L’effet sur la cote des diplômes sera immédiat, les diplômes prestigieux verront leur prestige se renforcer, et à l’autre bout de la hiérarchie, un certain nombre de diplôme seront dévalorisés.
Dans un monde où l’absence de qualification est problématique, inciter les élèves à poursuivre l’école le plus longtemps possible (démocratisation de l’école) mais provoquer un tri social, entraînera nécessairement une plus forte relégation pour une partie de la population.
S’il s’agit de la conception de la justice sociale qui prévaut désormais aujourd’hui dans notre pays, alors il est nécessaire de la combattre.
Shukuru