Le rapport de l’OMPI [Organisation mondiale de la propriété intellectuelle NDLR] sur l’activité en matière de brevets dans le monde en 2011 confirme une internationalisation croissante de l’innovation.
En effet, les dépôts de demandes internationales de brevets selon le Traité de coopération en matière de brevets (ou PCT) ont atteint en 2011 le nouveau record de 181.900, représentant une hausse de 10,7% par rapport à 2010, et ce malgré des conditions économiques difficiles.
Il s’agit de la croissance la plus rapide depuis 2005. Le Directeur général de l’OMPI, M. Francis Gurry, a d’ailleurs déclaré que “ce résultat témoigne du rôle majeur que joue le système PCT dans un monde où l’innovation constitue un élément de plus en plus important de la stratégie économique. Il démontre également que les entreprises ont continué de proposer des innovations en 2011, ce qui est rassurant en ces temps d’incertitude économique persistante”.
[…] Parmi les principaux pays déposants, ceux qui ont connu la croissance la plus rapide en 2011 en ce qui concerne le nombre de dépôts de demandes internationales de brevet sont les suivants : la Chine (+33,4 %), le Japon (+21 %), le Canada (+8,3 %), la République de Corée (+8 %) et les Etats-Unis (+8 %).
Pour les pays européens, les résultats ont été variables : la Suisse (+7,3 %), la France (+5,8 %), l’Allemagne (+5,7 %) et la Suède (+4,6 %) ont connu une croissance, alors que les Pays Bas (-14 %), la Finlande (-2,7 %), l’Espagne (-2,7 %) et le Royaume Uni (-1 %) ont connu un recul.
La Russie (+20,8 %), le Brésil (+17,2 %) et l’Inde (+11,2 %) ont enregistré une croissance à deux chiffres du nombre de dépôts de demandes internationales […]
En 2011, c’est dans le domaine technique de la communication numérique que le plus grand nombre de demandes internationales a été enregistré avec 11574 demandes publiées, suivi des machines et appareils électriques (11296 demandes), de la technologie médicale (10753 demandes) et de l’informatique (10455 demandes). Les tensions actuelles sur les ressources énergétiques ont stimulé l’activité de brevet dans le secteur de l’énergie qui a enregistré une croissance à deux chiffres.
En 2011, seuls quatre domaines techniques ont connu une baisse du nombre de dépôts de brevets : les techniques de communication de base (-5,9 %), la chimie fine organique (- 4,1 %), les produits pharmaceutiques (-1,9 %) et les analyses de matériels biologiques (-0,3 %).
Au classement 2011 des principaux déposants de demandes internationales, l’entreprise chinoise ZTE Corporation, avec 2826 demandes publiées, a pris la première place à l’entreprise japonaise Panasonic Corporation (2463 demandes). L’entreprise chinoise Huawei Technologies Co. (1831 demandes) occupe la troisième place, suivie de l’entreprise japonaise Sharp Kabushiki Kaisha (1755 demandes) et de l’entreprise allemande Robert Bosch Corporation (1518 demandes). Ces cinq entreprises ont chacune connu une croissance à deux chiffres du nombre de demandes.
Cinq entreprises japonaises, à savoir Panasonic, Sharp, Toyota, NEC et Mitsubishi, figurent parmi les 15 premiers principaux déposants. Parmi les 20 premiers déposants de ce classement, on trouve 10 entreprises asiatiques, 6 européennes et 4 américaines. Le premier déposant français est le CEA à la 36e place (371 demandes), suivi de Thomson Licensing (Technicolor) (46e place ave 303 demandes) et d’Alcatel Lucent (50e avec 287 demandes). Le CEA [Commissariat à l’énergie atomique NDLR] est également le premier organisme de recherche de ce classement.
Aujourd’hui la détention de brevets sur des technologies clés est devenue un enjeu majeur. Le conflit Apple-Samsung, dont le procès est prévu en juillet prochain à San José, en est une parfaite illustration. Les deux géants s’accusent d’utilisation frauduleuse de leurs innovations, Samsung mettant en cause Apple d’utiliser des brevets dans la téléphonie 3G dont il revendique la paternité.
En quelques mois, la concurrence autour des deux groupes s’est transformée en une bataille autour de la propriété industrielle et au total 19 procès les opposent dans des tribunaux du monde entier. Les portefeuilles de brevets se rachètent aujourd’hui à des prix considérables.
En mai dernier, Google a déboursé 12,5 milliards de dollars pour le rachat de Motorola Mobility, faisant ainsi l’acquisition des 17000 brevets détenus par le fabricant de mobiles.
Autre opération importante, le rachat de 6000 brevets du canadien Nortel en liquidation par un groupe d’entreprises constitué notamment par Apple, Microsoft et RIM pour 4,5 milliards de dollars. Les brevets constituent une plus-value considérable pour les entreprises qui cherchent à valoriser leur capital. Ainsi Kodak, en difficulté concernant la vente de ses appareils photos, cherche à céder un millier de ses brevets et en novembre dernier, le groupe a annoncé un contrat de licence portant sur 50 brevets pour la projection sur grand écran.
En avril dernier, le portail internet AOL a annoncé la vente et l’octroi de licences de brevets à Microsoft pour une valeur totale d’un peu plus d’un milliard de dollars. En grande difficulté, AOL a précisé qu’il allait vendre 800 brevets et accorder la licence de 300 autres à Microsoft pour “créer de la valeur pour ses actionnaires et permettre à AOL de mener à bien sa stratégie destinée à maintenir cette valeur à long terme pour les actionnaires”.
La course aux brevets s’est ainsi considérablement intensifiée depuis un an, les grands groupes de haute technologie cherchant à renforcer leur stock de propriété intellectuelle. C’est dans le secteur de la téléphonie mobile que la guerre des brevets est la plus intense. Google vient d’annoncer qu’il avait déposé une plainte auprès de la Commission européenne contre Nokia et Microsoft, les accusant d’ententes pour accroître les coûts des appareils mobiles pour les consommateurs, au moyen de tactiques de “patent trolls”.
Il s’agit de sociétés dont la seule activité est la concession de licences, obtenues le plus souvent de force, sur des brevets qu’elles achètent mais n’exploitent pas. Ces sociétés s’attaquent ainsi à des entreprises qui utilisent, parfois sans le savoir, une technologie protégée. Spécialité américaine, ces patent trolls génèrent des millions de dollars dans les procès pour violation de brevets.
CABINET GERMAIN ET MAUREAU 08/09/2012
http://www.economiematin.fr/news-brevet-innovation-facteur-cle-strategie-entreprises