5 stratégies d’optimisation fiscale
Technique: acquisition puis domiciliation dans le pays de la cible (Pflizer, Pharmacie)
Le récent méga-mariage des laboratoires Pfizer et Allergan est l’un des exemples les plus emblématiques de «l’inversion fiscale”: une entreprise américaine peut acquérir une société implantée dans un pays à faible fiscalité, comme l’Irlande, les Pays-Bas ou encore la Grande-Bretagne, et y installer son siège social. En mettant la main sur Allergan, dont le siège est en Irlande, le géant new-yorkais devient juridiquement irlandais… Et voit donc son impôt sur les sociétés passer à 12,5% (contre 35% aux Etats-Unis). Dans les faits, il conserve néanmoins à New York ses équipes et son quartier général. De même, il continuera à être coté à Wall Street et à profiter de son réseau d’influence auprès des agences fédérales américaines, tout comme de la loi américaine de protection des brevets. Sur dix ans, la perte pour le fisc américain liée à cette stratégie d’«inversion» atteindrait 20 milliards de dollars, selon le département américain du Trésor.
Technique: localisation de sa propriété intellectuelle dans un paradis fiscal (Google, Internet)
Les Gafa (Google, Amazon, Facebook et Apple) ont tendance à loger leur propriété intellectuelle dans un paradis fiscal éloigné des zones comme l’Europe ou les Etats-Unis, où ils réalisent l’essentiel de leur activité, évitant ainsi d’y payer les impôts correspondants. La France, l’Espagne et l’Allemagne s’en inquiètent particulièrement. Dans le cas de Google, c’est aux Bermudes, à une société de droit irlandais, mais dont le management effectif est installé dans l’île des Caraïbes, que des filiales du géant de Mountain View ont envoyé pas moins de 8,8 milliards d’euros de redevances pour l’usage de ses brevets. En versant ces sommes à la filiale bermudienne, les entités européennes réduisent leurs bénéfices, donc leurs impôts. Google risque ne pas profiter encore longtemps de cet artifice baptisé «double irlandais»: Dublin l’a supprimé depuis le 1er janvier 2015 pour les nouvelles entreprises, les autres bénéficiant d’un sursis jusqu’en 2020.
Technique: crédit d’impôt recherche (Sanofi, Pharmacie)
Créé en 1983 pour stimuler l’investissement en recherche-développement en France, le crédit d’impôt recherche (CIR), une remise accordée en échange de dépenses R&D, est devenu pour certaines grandes entreprises un outil d’optimisation fiscale «doux». C’est apparemment le cas de Sanofi, qui tout en empochant en moyenne 130 millions d’euros par an au titre de ce dispositif, a supprimé régulièrement des effectifs dans ce domaine entre 2011 et 2014. D’autres sociétés du CAC 40 ont quant à elles choisi de multiplier les filiales pour continuer à bénéficier à plein du taux de remise de 30%. Les petites structures ne tapent pas le plafond des 100 millions d’euros au-delà duquel le rabais d’impôt se réduit à 5%. En 2013, la Cour des comptes contestait déjà l’efficacité du dispositif, les dépenses de R&D n’ayant pas progressé depuis 2008, alors que le montant du CIR, lui, a triplé, à 5,8 milliards d’euros par an. Selon le collectif Sciences en marche, le «détournement» sur la période 2007-2012 atteindrait 6 milliards d’euros pour les entreprises de plus de 500 salariés. Difficile d’en savoir plus faute de contrôle effectif. Le sujet est visiblement explosif: en juin dernier, le Sénat s’est prononcé contre la publication du rapport rédigé sur le sujet par la sénatrice Brigitte Gonthier-Maurin.
Technique: rémunération des talents en actions plutôt qu’en salaires (Facebook, Internet)
Pour attirer les nouveaux talents dont il a besoin, sur un marché du travail très concurrentiel, le réseau social a choisi de payer généreusement, en actions, de bons spécialistes du marketing et du développement informatique en Grande-Bretagne. Résultat : en 2015, il a réduit son impôt à seulement 4 327 livres, en déclarant une perte comptable de 28,5 millions, grâce au paiement de 35,4 millions de livres de primes sous forme d’actions. S’attirant de sévères critiques outre-Manche. Ce recours massif aux actions permet à l’américain de réduire ses charges salariales et aux salariés de payer moins d’impôt sur le revenu. Les rémunérations sous forme d’actions et les dividendes sont modérément taxés dans ce tout premier centre financier mondial.
Technique: patent box et rescrit fiscal (McDonald’s, agroalimentaire)
Depuis 2009, le géant mondial de la restauration rapide a réussi à échapper à l’impôt au Luxembourg en dépit de profits juteux – plus de 250 millions d’euros en 2013 – via deux mécanismes. Il a d’abord récupéré dans ce pays, connu pour sa fiscalité douce, une part significative des profits de ses autres filiales européennes, sous forme de royalties sur l’utilisation de sa marque, une pratique connue sous le nom de «patent box». Puis il a négocié un accord préférentiel – dit rescrit fiscal – avec les autorités luxembourgeoises, qui limite fortement son taux d’imposition. Motivation de l’avantage consenti par le Grand-Duché: les profits de McDonald’s transférés aux Etats-Unis sont a priori taxés outre-Atlantique. Cerise sur le gâteau, la chaîne de fast-foods a négocié avec le Luxembourg un deuxième rescrit supprimant l’obligation de prouver son imposition américaine. Résultat, elle ne paie d’impôt ni en Europe ni aux Etats-Unis. Bruxelles a fini par s’en émouvoir. En octobre, la Commission a lancé une enquête sur les accords noués avec le Luxembourg. La commissaire à la Concurrence, Margrethe Vestager, a commenté, non sans humour: «Les accords qui visent à éviter la double imposition ne doivent pas conduire à la double non-imposition.”
https://www.lesechos.fr/15/01/2016/LesEchosWeekEnd/00014-011-ECWE_5-strategies-pour-payer-moins-d-impots.htm