Depuis la crise des subprimes, les électorats de nombreux pays ont renforcé le poids politique des leaders les plus radicaux quand ils ne les ont pas portés au pouvoir comme en Hongrie, au Venezuela, au Brésil ou encore aux Etats-Unis. Comment s’explique cette montée ? Pourquoi certains pays ont-ils connu un vote radical de droite, alors que d’autres ont versé dans le vote radical de gauche. Comment comprendre la différence de choix ? Voici les deux questions auxquelles ont tenté de répondre quatre chercheurs dans une étude socio-politique.
Leur principale explication est simple, elle repose sur l’analyse de la position sociale relative des individus. Les personnes qui voient leur position se détériorer accusent les politiques suivies par les gouvernements qui se sont succédé auxquelles s’ajoute le plus souvent un coupable idéal. Les forces politiques radicales n’ayant pas exercé le pouvoir sont alors bien vues, d’autant plus qu’elles entretiennent la liste des bouc-émissaires : la mondialisation, l’Europe, les étrangers, les élites…
Les statistiques sur les déciles de revenus sont disponibles pour mesurer l’évolution relative de chaque segment de la société et des enquêtes européennes permettent de connaître la dynamique des soutiens politiques aux différents partis. Le croisement des deux donne un résultat clair : les personnes dont le revenu moyen a moins progressé que l’ensemble des revenus du pays, sur une période de cinq ans, déclarent un soutien croissant aux partis politiques les plus radicaux. Elles correspondent également à la catégorie de celles et ceux qui se retirent du marché politique et ne votent plus. Une moindre progression relative du revenu multiplie par trois la probabilité de choisir un parti très à droite et fait plus que quadrupler celle de choisir un parti très à gauche.
Afin d’affiner ce dernier résultat, les quatre chercheurs, Brian Burgoon, Sam van Noort, Matthijs Rooduijn et Geoffrey Underhill, ont observé de près ce qui se passe lorsque des personnes situées parmi les 10 % les plus riches et parmi les 10 % les plus pauvres voient leur position sociale relative se dégrader. Là encore, le résultat statistique est massif. Les catégories aisées qui perdent en position sociale se tournent vers les partis radicaux de gauche ou bien vers l’abstention, les plus pauvres qui subissent le même sort penchent à l’inverse vers les partis de droite.
L’étude montre ensuite que la dynamique relative des revenus est bien le facteur explicatif prioritaire. Le genre, l’âge, le lieu et la région de résidence, les choix religieux, le nombre d’heures de travail, le fait d’avoir été au chômage ou pas, la composition de la famille…, aucun de ces éléments ne vient corriger le résultat. Une seule exception : les individus nés à l’étranger ou dont les parents sont nés hors des frontières se dirigent moins qu’attendu vers les partis de droite. A ceux qui refusent la montée en puissance des extrêmes, une seule politique possible : ne pas accroître les inégalités, et, encore mieux, les réduire.
CHRISTIAN CHAVAGNEUX 24/06/2019
Il existe donc un lien fort entre le vote populiste et la montée des inégalités. Si celle-ci est limitée, le vote extrême devrait reculer. Mais il faut également noter que ce ne sont pas les inégalités réelles qui comptent mais les inégalités ressenties.
Shukuru