L’Hexagone pourrait se passer des énergies fossiles et fissiles pour couvrir ses besoins en électricité à l’horizon 2050, pour un coût égal ou inférieur au coût actuel, selon une étude du Cired.
C’est une étude embarrassante pour la direction d’EDF, les industriels concernés, les élus et ceux parmi l’exécutif qui veulent engager la France dans un plan de construction de nouveaux réacteurs nucléaires pour rajeunir un parc de centrales arrivant en fin de course.
Le 19 novembre dernier, trois chercheurs du Cired ont publié dans The Energy Journal, une revue scientifique à comité de lecture, un article sur ce que seraient les coûts futurs d’un système électrique 100 % renouvelable en France métropolitaine, en intégrant les incertitudes fortes qui entourent ce sujet. Leur conclusion, après analyse de 315 scénarios de coûts : en 2050, un tel système, investissements compris, ne coûterait pas plus cher que celui qui existe aujourd’hui, soit de l’ordre de 52 euros par MWh hors coûts de réseau (21,4 milliards d’euros par an).
Comment Behrang Shirizadeh (Cired-Total R&D), Quentin Perrier (I4CE et ex-Cired) et Philippe Quirion (Cired-CNRS) parviennent-ils à ce résultat ? C’est un travail de modélisation qui repose sur des hypothèses de demande et de coûts futurs.
Côté demande, le scénario est celui projeté par l’Ademe en 2050 : la forte progression du véhicule électrique et de la consommation d’électricité dans l’industrie est compensée par les économies d’énergie réalisées partout ailleurs, si bien que la consommation globale reste stable. Celle-ci est modélisée au pas horaire : la production renouvelable doit répondre à la demande de chaque instant, aussi bien à minuit le 1er juillet quand elle est faible que le 1er janvier à 18 heures quand elle est très élevée. Prudents, les auteurs ont choisi d’intégrer dans leur modèle des contraintes fortes sur la demande : le recours aux importations est exclu, de même que les effacements de consommation en période de pointe, par exemple en pilotant grâce aux « réseaux intelligents » l’usage d’appareils électriques domestiques.
Pour répondre à cette demande, les moyens les moins coûteux et qui offrent le plus grand potentiel de déploiement sont, sans surprise, l’éolien et les grandes installations photovoltaïques, qui représentent dès lors l’essentiel du mix électrique en 2050 (46 % pour l’éolien terrestre, 11 % pour l’éolien marin et 31 % pour le solaire). Les hypothèses de coûts sont celles du JRC, le centre de recherches conjoint de l’Union européenne, comparables à celles d’autres institutions, et le productible a été étudié sur la base de dix-huit années de données météo (2000-2017). Bien entendu, ces sources très majoritaires sont variables et non pilotables, si bien que pour faire coïncider à tout instant la courbe de l’offre avec celle de la demande, il faut « boucher les trous ». D’une part, avec des centrales à biogaz (environ 3 % du mix électrique) et l’hydraulique de barrage (6 %) ; d’autre part, avec le stockage de l’électricité lorsque sa production excède la demande (l’été principalement).
Les moyens de stockage mobilisés sont les stations de pompage (Step) qui remontent l’eau dans des barrages, la méthanation (qui transforme l’électricité en hydrogène, puis en méthane qui peut alimenter une centrale thermique) et les batteries. Là encore, le modèle est volontairement pessimiste puisqu’il exclut de stocker les surplus via les batteries des véhicules électriques branchées au réseau. Une conclusion intéressante de l’étude est que le coût du stockage ne doit pas être surestimé : de l’ordre de 15 % du coût total du système électrique modélisé, lui-même proche du coût actuel.
Bref, comme celui qu’avait déjà publié l’Ademe en 2015 2, ce travail montre qu’un mix électrique 100 % renouvelable en 2050 n’est pas disqualifié par l’intermittence de l’éolien et du photovoltaïque ni par les coûts du stockage. Loin d’être techniques ou économiques, les freins sont surtout politiques : intérêts du lobby nucléaire et oppositions locales au déploiement des renouvelables.
Une autre conclusion importante de cette étude (dont les données sont ouvertes, ce qui permet d’en faire jouer les paramètres et d’en tester la robustesse) est que les technologies solaire et éolienne sont en bonne partie substituables. On peut ainsi mettre l’accent sur une filière plutôt que sur une autre et faire varier les choix au fil du temps en fonction de l’évolution des coûts, sans que cela ne conduise à des impasses techniques pour répondre à la demande.
Mais au fait, quel est le coût d’un scénario 100 % renouvelable par rapport à un autre qui comporterait – au hasard – 50 % de nucléaire ? Quel serait le mix électrique optimal en matière de coûts ? Réponse très attendue dans une nouvelle modélisation annoncée par les auteurs le 14 janvier.
ANTOINE DE RAVIGNAN04/01/2021ALTERNATIVES ECONOMIQUES N°408
Une étude intéressante, qui montre qu’il existe des alternatives crédibles aux énergies fossiles. Il reste désormais à vaincre les lobbys pour qu’à un horizon relativement proche, la production d’électricité soit plus propre. cela n’empèchera pas d’autres problèmes d’exister mais ce sera toujours un progrès pour notre planète
Shukuru