Les réactions à la sortie de Gattaz n’ont pas traîné, la première venant de la précédente patronne des patrons, Laurence Parisot, qui a critiqué une «erreur d’analyse» et dénoncé la «logique esclavagiste» derrière la proposition d’un salaire en dessous du Smic.
Le syndicat Force ouvrière a affirmé dans un communiqué que Pierre Gattaz«entend ressusciter un Smic jeunes» et a promis de combattre une proposition aussi«indécente».
Pour justifier sa sortie, Pierre Gattaz a utilisé l’argument classique d’un montant trop élevé qui empêcherait certains chômeurs d’être embauchés, notamment chez les jeunes. «Le niveau élevé du Smic est une marche d’escalier à franchir en France»pour trouver du travail, a souligné le patron des patrons, lors de son point de presse mensuel.
Selon lui, une solution consisterait à «avoir temporairement un système permettant la première année» pour «un jeune ou quelqu’un qui ne trouve pas de travail, de rentrer dans l’entreprise de façon transitoire avec un salaire adapté, qui ne serait pas forcément le salaire du Smic», a-t-il dit.
Ce système, a-t-il fait valoir, «permettrait de mettre le pied à l’étrier». «Il vaut mieux quelqu’un qui travaille dans l’entreprise avec un salaire un peu moins élevé que le Smic, de façon temporaire et transitoire, plutôt que de le laisser au chômage», a-t-il estimé. «Avec un niveau de chômage à 11%, cela fait partie des pistes à explorer», a ajouté Pierre Gattaz, qui souhaite en débattre «avec le gouvernement et les partenaires sociaux».
Comme on lui rappelait les précédentes tentatives avortées pour instituer un Smic jeunes, Pierre Gattaz a affirmé qu’aujourd’hui «nous sommes au bord du précipice»et qu’il faut «sortir de la doctrine et du dogme» pour créer des emplois.
Le président du Medef s’est dit en accord avec Pascal Lamy, ex-directeur général de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qui a plaidé il y a deux semaines pour plus de “flexibilité” sur le marché du travail, avec notamment des «petits boulots»payés en dessous du Smic. Cette logique évoque les mini-jobs allemands, l’un des contrats rendus possibles par les réformes du marché du travail menées lors du mandat de l’ex-chancelier social-démocrate Gerhard Schröder. Et souvent citées en exemple par la droite française, mais aussi par une partie de la gauche.
Sans aller jusqu’à plaider pour un sous-Smic, le livre publié récemment par trois économistes qui ont conseillé François Hollande à un moment ou à un autre nourrit les débats contre le salaire minimum français. Dans Changer de modèle, Philippe Aghion, Gilbert Cette et Elie Cohen plaident pour de nombreuses réformes«structurelles» (plus de flexibilité, de concurrence, etc.), et critiquent le niveau élevé du Smic français («préjudiciable à l’emploi et la compétitivité») ainsi que son uniformité.
Ils souhaitent une «réforme ambitieuse du Smic [qui] ne doit exclure a priori aucun aspect : révision de fond de la règle de revalorisation automatique, régionalisation, différenciation selon l’âge….» Ils ouvrent ainsi la voie (théorique) à des Smic différenciés à Limoges, Vesoul ou Paris et selon l’âge du salarié.
Florent LATRIVE 15 AVRIL 2014 À 12:07 LIBERATION