Avec l’attaque frontale aujourd’hui sur les retraites, le gouvernement continue son œuvre de démantèlement du service public et de l’état providence.
Cette société solidaire que nos parents, grands parents ont construite, ne sera bientôt plus, avec toutes ces réformes, qu’un souvenir historique.
Pourtant après la guerre, lors de la reconstruction, la France était économiquement exsangue. La sécurité sociale, les retraites et plus globalement tout le système de protection sociale a été le résultat d’un choix de société. Il s’agissait de permettre à tous d’atteindre un niveau de vie décent, de se soigner, de pouvoir bénéficier d’une retraite après avoir travaillé pour la société.
Aujourd’hui, le gouvernement fait le choix d’une société individuelle, chacun se débrouillera en fonction de sa réussite. Nous irons nous soigner dans les cliniques si nous avons les moyens de le faire, nous aurons placé de l’argent dans un fond de pension pour bénéficier d’une retraite méritée, nous achèterons les services dont nous aurons besoin …
Quid de ceux qui ne pourront pas financer leurs retraites, leurs dépenses de santé … L’Etat, généreusement donnera une aide financière minimale pour un service minimal.
Parce que chacun d’entre nous doit se débrouiller et que ce n’est donc pas à la collectivité de payer pour ceux qui n’auront pas fait l’effort de devenir riche !
Nous ne voulons pas de ce système, nous ne voulons pas de cette société individualiste, nous voulons maintenir et renforcer le système solidaire actuel.
Ce combat, il faut le mener aujourd’hui et le poursuivre jusqu’à la victoire. Ce n’est pas une réforme de plus, c’est la destruction du système de protection sociale. Nous devons lutter contre cette réforme pour qu’elle n’aboutisse pas, pour affaiblir le gouvernement dans sa volonté de casse de la solidarité, et pour prévenir tous les gouvernements futurs qu’on ne laissera pas détruire notre système de retraite par répartition.
La situation actuelle
Les réformes ont fait chuter le taux de remplacement moyen (niveau de la retraite par rapport au salaire) Le COR (conseil d’orientation des retraites) estime qu’il était en 1993 de 78% et de 72% en 2007, il devrait passer à 65% en 2020 et à 59% en 2050.
En 1993, le gouvernement Balladur a porter à 40 le nombre d’années nécessaires pour percevoir une retraite à taux plein, et le calcul des montants de retraite s’effectue désormais sur les 25 meilleures années (10 auparavant) pour le secteur privé. Conséquence : 1 million de retraités vit sous le seuil de pauvreté. Fillon s’est attaqué aux salariés du public en 2003, en alignant leur durée de cotisation sur le secteur privé.
En 2008, le gouvernement s’est attaqué aux régimes spéciaux en allongeant leur durée de cotisation.
Par ailleurs, il faut noter que 6 points de PIB utilisés pour les retraites permettraient de revenir à la situation de 1993, à savoir 37,5 années de cotisation et une retraite à 60 ans.
Quels sont les problèmes rencontrés par le système de retraite par répartition ?
La situation démographique de la France a évolué depuis la fin de la seconde guerre mondiale : la population de plus de 60 ans est plus nombreuse et l’espérance de vie des individus a cru, donc le montant global des retraites à verser est plus élevé (11 millions de retraités en 2000, 21 millions en 2040).
Par ailleurs, le chômage se maintient à un niveau relativement élevé (aujourd’hui 10% de la population active) ce qui diminue une source de financement (prélèvement sur les salaires).
Quel est le diagnostic du gouvernement ?
Le gouvernement dans son document d’orientation sur la réforme des retraites annonce deux objectifs à la réforme des retraites : apporter une réponse durable aux difficultés financières de nos régimes de retraite, en agissant sur leurs causes structurelles et conforter le système français dans ce qu’il a de plus profond, sa solidarité.
Pour cela, le gouvernement prétend sauvegarder le système de retraite par répartition, assurer l’équilibre des régimes de retraites à moyen terme sans baisser les pensions des retraités d’aujourd’hui, ni ceux de demain et sans baisser le niveau de vie des français (hausse des prélèvements obligatoires) ou pénaliser les entreprises (en taxant la valeur ajoutée).
Bref, le gouvernement nous promet un miracle, un tour de magie où personne n’est lésé et tout le monde profite de la nouvelle situation.
Pour cela, il prétend répondre au problème posé par la démographie (trop de retraités demain) par une solution démographique, c’est-à-dire augmenter la durée d’activité.
Pourquoi ce diagnostic est-il erroné ?
Le diagnostic et la solution sont faussés par une vision particulière du problème.
Tout d’abord, le rapport du COR annonce des déficits colossaux à l’horizon 2050. Or, il semble que les prévisions dans le domaine économiques soient difficiles à établir. A titre d’exemple, la crise économique de 2009 semblait imprévisible ! Donc prévoir le comportement des français (natalité), la situation de notre pays, voire de l’Europe dans 40 ans relève de la chiromancie ou de tout autre acte divinatoire.
L’espérance de vie a fortement augmenté selon le COR. Mais qu’est ce que l’espérance de vie, un calcul statistique qui permet de dire à la naissance (en fonction de l’emploi occupé ?!) le nombre d’années que vivra un français et donc le nombre d’années à percevoir une retraite.
De plus, si l’espérance de vie augmente, l’espérance de vie en bonne santé est beaucoup plus faible 64,2 ans pour les femmes et 63,1 pour les hommes. Si le gouvernement recule l’âge de la retraite celle-ci pourrait se conjuguer avec la maladie.
Il faut également savoir que 60% des salariés du privé qui prennent leur retraite ne sont plus en activité au moment de liquider leurs droits. Ils sont chômeurs, en maladie ou en invalidité. De plus, le nombre de maladies liées au travail augmente avec l’âge.
Ce diagnostic omet un élément essentiel, la productivité. En 2009, la France était selon une étude le pays dans lequel les travailleurs étaient les plus productifs. Cela signifie que notre travail produit des richesses. Cette évolution de la productivité est essentielle dans le problème des retraites, car lorsque l’on parle du poids des inactifs sur les actifs (combien d’inactifs sont à la charge des actifs) il faut noter qu’un actif aujourd’hui (et sans doute encore plus demain) produit plus de richesse que son père ne le faisait. Il peut donc supporter un prélèvement plus important (nous y reviendrons plus loin).
La solution de taxer les entreprises, non retenue car pénalisant l’investissement, est elle aussi erronée. En effet, une augmentation de 6 points des cotisations patronales (ce qu’il faudrait pour « sauver le système ») n’aurait aucun effet sur la compétitivité des entreprises car elle maintiendrait le niveau actuel de la masse salariale dans la valeur ajouté (donc pas d’impact sur les coûts)
Reculer l’âge de la retraite n’a pas de sens car les entreprises se débarrassent des salariés âgés (plus de 50 ans).
Enfin, L’évolution démographique reste dynamique en France (2 enfants pas femmes contre 1,4 en Allemagne) ; L’alignement sur l’âge légal de la retraite en Allemagne n’a donc pas de sens.
Quelles sont les solutions envisageables ?
Il existe un besoin 200 milliards par an soit 6 points de PIB pour financer la retraite à 60 ans et avec 37,5 années de cotisation.
Entre 1960 et 2000 la part du PIB consacrée au financement des retraites a augmenté de 8 points. Il s’agit donc du même effort à fournir.
Historiquement, on constate que l’évolution du partage de la valeur ajoutée (les richesses produites dans les entreprises) depuis les années 80, s’effectue en faveur des profits plutôt que des travailleurs. C’est-à-dire que la part des richesses qui revient aux travailleurs diminue (moins 9 points entre 1981 et 2008), tandis que celle des profits (actionnaires, cadres dirigeants …) augmente.
La part des dividendes dans le PIB est passée de 3,2% en 1982 à 8,5% aujourd’hui (soit 5,3 points)
Le gâteau est de plus en plus gros (grâce aux gains de productivité) mais la part des travailleurs ne croît pas.
Le financement de nos retraites ne dépend que du partage des richesses.
Autre élément de solution : élargir la base de financement des retraites. Par exemple, on peut soumettre tous les revenus distribués à cotisation, y compris les dividendes.
L’OFCE a montré que l’on pourrait affecter une partie de la hausse de la productivité annuelle (1,5% chaque année jusqu’en 2050, estimation du COR j) au financement des retraites. Cela signifie qu’en 2050, la productivité actuelle du travail aura été multipliée par plus de 1,8. Le gouvernement annonce qu’en 2010, il y a 1,8 cotisant pour 1 retraité, et seulement 1,2 en 2050. Mais les 1,2 cotisants de 2050 produiront autant que 2,2 cotisants aujourd’hui (1,2 X 1,8) soit plus que les 1,8 d’aujourd’hui. Produisant 20% de richesse ne plus, ils pourront supporter un prélèvement pour les retraites plus important.
Le COR estime qu’en 2050, le « besoin de financement » de nos régimes de retraites serait de 115 milliards d’euros (constants, après avoir neutralisé l‘inflation). Ce qui représentera 3% du PIB de 2050, or le PIB en 2050 sera supérieur à 3 800 milliards d’euros (doublement par rapport à aujourd’hui). Sur ce doublement, il faudrait donc prélever 6% pour financer les retraites. Cela ne semble pas insurmontable.
Il faudrait augmenter le montant des cotisations de 0,37 points par an, dont 0.12 pour les cotisations salariales et 0,25 pour les cotisations patronales pour rendre viable le système de retraites à l’horizon 2040, selon le COR, cela ne semble pas insurmontable.
Autre solution, s’attaquer au problème du chômage. Créer des emplois permettrait d’augmenter le nombre des cotisants. A titre d’exemple, 4,5 millions d’emplois (le nombre de chômeurs aujourd’hui) permettrait de dégager 22,5 milliards de recettes pour les retraites.
Annuler les exonérations de cotisation patronales (intéressement, participation, primes, épargne salariale, stock options, bonus …) : 30,7 milliards d’euro
Promouvoir l’égalité Homme Femme sur le marché du travail, augmenterait le PIB de 15 à 45% (source commission européenne) soir 37 milliards de cotisation supplémentaires. Actuellement, les femmes perçoivent des salaires inférieurs de 20 à 25 % de ceux des hommes et elles perçoivent des retraites de 40% inférieures à celles des hommes (carrières incomplètes, arrêt pour élever les enfants et salaires moindres)
Au total ce sont 90 milliards qui pourraient être collectés
Conclusion
Finalement les réformes du gouvernement (1993, 2003 et 2010) n’ont qu’un seul objectif, affaiblir le système de retraite par répartition et promouvoir la retraite par capitalisation. « Epargnez et placez l’argent dans les fonds de pension, vous serez récompensés ».
Pourtant les fonds de pension ne créent aucune richesse, ils sont placés devant les mêmes contraintes démographiques que les organismes de retraite collectifs et ils sont soumis aux fluctuations erratiques de la Bourse.
Mais la retraite est un droit universel de la personne humaine (article 25 de la Déclaration Universelle). Elle doit donc être financée comme tout service rendu par la Société à ses membres : par une part redistribuée du revenu national.